Edito du président de l’association

L’Association des Maires Ruraux de France fête en 2021 ses 50 ans d’existence.

Elle est née de la résistance d’un NON au projet d’un ministre de l’intérieur autoritaire, Raymond Marcellin pour ne pas le nommer, qui avait décidé de réduire le nombre des communes.

En cinquante années d’existence, les difficultés ne manquèrent point : toutes trouvent leur origine dans une idée fixe et une obsession de la stratosphère politico-bureaucratique : “il y a trop de communes en France”. Pierre-Yves Collombat, sénateur du Var,

Quelle idée et quelle obsession !

La France serait le mauvais élève de l’Europe, concentrant à elle seule près de 30% de la collectivité territoriale (35 416 communes sur 129 472 en Europe),

Mais depuis 15 ans, les choses se sont accélérées, c’est à une guerre d’usure, financière et institutionnelle auxquelles les communes sont confrontées ; l’heure de la concurrence mondialisée, de l’Etat minimum et de la rigueur budgétaire européenne ayant sonné, il conviendrait d’y préparer la France en “rationalisant” son organisation territoriale, la Loi NOTRe en étant le dernier avatar.

Le nombre de communes serait donc en partie responsable de tous nos malheurs et de la dérive de la dépense publique ! Il faut donc en éliminer ou les regrouper à tout prix. Quelle billevesées, quelle méconnaissance de la gestion des petites communes “en bon père tranquille” selon l’expression consacrée.

Le bloc communal est le moins endetté et le moins dispendieux de toutes les strates de notre organisation territoriale

Les maires des petites communes sont très attentifs à la dépense. C’est aussi méconnaitre les interventions bénévoles de tous les élus qui n’entrent dans aucune statistique de dépenses et ne sont

jamais valorisées. Qui ne connait pas un maire ou un adjoint allant gérer un problème de fuite d’eau potable ou remettre en fonctionnement une pompe de la station d’épuration à toute heure du jour et de la nuit ?

Face à ce ressac permanent des atteintes envers nos collectivités, la résistance existe bien.

Les crises récentes ont révélé l’utilité des communes dans l’organisation et la structuration de notre État.

Pire encore, on a feint de découvrir que la Commune était la cellule de base de la démocratie et de l’action locale ! Et l’AMRF trouve ici toute sa pertinence et son utilité.

Notre slogan : “Des maires au service des maires” montre bien la nature de nos relations au sein de l’association : de l’entraide et de la fraternité.

Les enjeux sont considérables et je ne peux vous les citer tous ; chacun y est confronté au quotidien : dans le domaine de l’emploi, de l’école, de la santé ou encore de la mobilité. Tout ce qui touche à l’attractivité ou tout simplement à la vie dans nos territoires ruraux.

Au moment où l’on parle d’un exode urbain, suite à la crise sanitaire inédite vécue ces derniers mois, nos concitoyens redécouvrir qu’il fait bon vivre dans nos villages, que l’alimentation peut être accessible et proche, de qualité et saine, que la vie économique et culturelle y est dynamique, que la fraternité et la solidarité y sont possibles, mieux que dans les autres mégalopoles inhumaines.

Encore une fois, vu de la stratosphère politico-bureautique et j’ajouterai même médiatique, la ruralité se réduit souvent aux agriculteurs et aux chasseurs. On se croirait presque dans une évocation de l’âge paléolithique qualifiant la catégorie des chasseurs-cueilleurs !

Alors, nos combats sont là :

Suite à la crise des gilets jaunes, l’AMRF a lancé l’opération des maires ouvertes en proposant des cahiers de doléances. Des milliers de réponses ont été collectées, elles ont servi de matrice au Grand Débat et finalement abouti à une synthèse de 200 propositions pour un Agenda Rural.

A l’origine de cet Agenda Rural, l’AMRF continue de militer pour un aménagement équilibré des campagnes et des métropoles. La fierté des élus de l’AMRF d’être les instigateurs de l’Agenda Rural n’enlève rien à l’existence d’en être les plus fervents gardiens.

Il nous revient donc de faire vivre cet agenda, cette “feuille de route”, cette balise de l’action publique comme a dit le secrétaire d’état à la ruralité Joël Giraud lors du congrès de septembre dans l’Yonne.

Validé lors d’un Comité Interministériel le 14 novembre 2020, l’Agenda a retenu 181 mesures. La déclinaison doit en être faite dans chaque département sous l’autorité du Préfet qui doit désigner un référent Ruralité : c’est le cas dans le Loir-et-Cher en la personne de Monsieur Nicolas Hauptmann, sous-préfet de Blois, secrétaire général de la Préfecture.

Un comité départemental aux ruralités a été installé le 19 novembre 2021 en présence de Monsieur Marc Fesneau, Ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne et nous nous en réjouissons.

A nous d’être vigilants sur la suite de la mise en oeuvre des mesures. Cela recoupe plusieurs politiques publiques, plusieurs ministères autour du même thème transversal, sous le prisme de la ruralité : développement territorial, services publics,, écologie, éducation, culture, emploi, finances, fiscalité, jeunesse, mobilité, numérique, santé, etc…

Tout cela est fort encourageant mais le nerf de la guerre restant les finances, l’AMRF milite également pour une réorientation des dotations de l’Etat (DETR et DSIL).

Un rapport de la cour des comptes, dans un référé du 23 juillet 2021 a pointé du doigt le fait que la DETR profitait aux communes urbaines au détriment de la ruralité. La réponse du Premier Ministre est curieuse car il se retranche derrière l’idée que “les critères d’éligibilité permettent à des bourgs-centres de bénéficier de subventions pour des équipements bénéficiant aux habitants des communes

rurales alentours”.

Ou comment balayer d’un revers de la main une question aussi cruciale…

A cette sempiternelle remarque (issue de la pensée dominante depuis 25 ans) sur les charges de centralité, nous opposons la nécessité de prendre en compte les charges de ruralité ! Les communes rurales gèrent l’espace et font vivre notre pays au profit des urbains, il faut que le rééquilibrage des dotations tiennent enfin compte des lourdes charges de ruralité.

La statistique publique, (nouvelle définition l’espace rural par l’INSEE validée également lors du comité interministériel du 14 novembre 2020), reconnait enfin la réalité rurale du pays. Sont officiellement classés comme ruraux : 21 millions d’habitants, soit 33% de la population, plus de 30 700 communes et plus de 90% du territoire national.

On est décidément bien loin des seuls agriculteurs et des chasseurs comme certains se complaisent à décrire la ruralité ! Nos campagnes sont actives ! 85% des personnes s’y installant sont actives et 18% des emplois en zone rurale sont des emplois industriels.

Mais la vision urbanisante et le souci de concentration (encore lui) ont de beaux jours devant eux. La Preuve ? Par exemple dans l’article sur l’artificialisation de la Loi 3C qui, si on y ajoute le zèle de

certains agents des DDT, condamnent à une mise sous tutelle des communes rurales dans leur développement. Les communes rurales vont se retrouver avec zéro droit à construire, sacrifiées sur l’autel des moyennes écrêtées et consolidées comme on dit dans le jargon ambiant.